Un récit d’aventure humaine, technique et culturelle
Début 2024, une opportunité inattendue s’est présentée : une multinationale du secteur minier cherchait un spécialiste SCADA pour assurer la mise en service d’une toute nouvelle mine d’or. Petit détail, celle-ci se trouve au cœur de la forêt amazonienne, à Tocantinzinho, au Brésil. Le logiciel utilisé : Ignition, une plateforme SCADA moderne et puissante que je maîtrise bien.
Le défi était de taille et le départ, imminent : seulement trois semaines pour se préparer. Le contrat, très intensif, prévoyait trois rotations de trois semaines à raison de douze heures de travail par jour, suivies de trois semaines de repos. L’occasion était trop unique pour hésiter longtemps. J’ai donc bouclé mes valises et me suis lancé dans l’aventure.
Le voyage
L’itinéraire vers Tocantinzinho ne ressemblait en rien à un trajet classique. Depuis Montréal, j’ai pris un vol vers Panama City, où j’ai profité d’une escale de 10 heures pour explorer brièvement cette ville surprenante, aux contrastes saisissants entre quartiers modernes, vestiges coloniaux et chaleur tropicale omniprésente.
Direction ensuite Manaus, une grande ville du nord du Brésil en plein cœur de l’Amazonie. Mais l’aventure ne faisait que commencer : pour rejoindre le site de la mine, il fallait embarquer dans un petit avion de tourisme pour un vol de deux heures, survolant une jungle dense et ininterrompue à perte de vue. Cette traversée aérienne fut l’un des moments les plus marquants du voyage : aucun signe humain visible, seulement un tapis vert profond, vivant et mystérieux.
L’arrivée sur le site
À l’arrivée, le dépaysement est total. Le site minier est immense, mais encore en cours de finalisation. Pour la première rotation, j’ai été installé sommairement dans une tour provisoire, la salle de contrôle finale n’étant pas encore opérationnelle. L’environnement de travail était brut, en chantier, et l’atmosphère électrique : tout le monde courait dans tous les sens, les tests et installations se chevauchaient tout en mettant un point d’honneur à la sécurité de tous les travailleurs.
Dès les premiers jours, un problème majeur ralentit mon travail : l’application SCADA était d’une lenteur inhabituelle, ce qui bloquait tout le processus de mise en route. Par ailleurs, la communication avec les travailleurs locaux, majoritairement lusophones, s’avéra plus complexe que prévu. Le temps que l’infrastructure réseau soit optimisé, il fallut attendre quelques jours avant de pouvoir avancer réellement.
Le défi technique
Les défis techniques se sont vite accumulés. L’équipe électrique avançait lentement sur les branchements nécessaires au démarrage des équipements. Mon rôle consistait à gérer simultanément les demandes de l’équipe de procédé, qui voulait tester les flux de matière zone par zone, et de l’équipe de commissioning sur le terrain, qui faisait la validation des capteurs, moteurs, convoyeurs et éléments de sécurité.
La barrière linguistique ralentissait tout. Bien que je parle anglais, beaucoup de mes interlocuteurs ne le comprenaient pas. Ce n’est qu’à partir du milieu de la deuxième rotation qu’un traducteur a été affecté à mon équipe, rendant les échanges bien plus fluides.
L’un des principaux obstacles techniques concernait les VFD (variateurs de fréquence) des moteurs. Les branchements étaient parfois mal réalisés, ou simplement non terminés (problème d’adresse IP par exemple). J’ai dû, à plusieurs reprises, descendre sur le plancher et chercher des solutions directement avec les électriciens, une expérience aussi déroutante que formatrice.
En parallèle, j’ai travaillé sur la partie PLC (automate programmable), en mettant à jour le programme pour l’adapter à la réalité du terrain. Cette approche plus « terrain » a grandement amélioré la rapidité des résolutions de problèmes et m’a permis de développer rapidement des compétences concrètes en ingénierie d’automatisation.
Les conditions de vie sur place
Vivre dans la jungle amazonienne n’est pas anodin. Le site est structuré selon une hiérarchie stricte : les expatriés, les visiteurs et les ouvriers sont logés séparément. J’étais dans une chambre simple, avec sanitaires partagés, une expérience minimaliste mais suffisante pour récupérer après des journées de 12 heures.
Le cadre était à la fois fascinant et déroutant : des aras et perroquets voltigeaient à proximité des bâtiments, tandis que scarabées volants et papillons de nuit gigantesques étaient assez fréquents Quelques collègues ont même rapporté avoir aperçu un jaguar rôder non loin des clôtures la nuit …
Côté nourriture, les repas étaient consistants mais peu variés, avec un petit déjeuner identique chaque jour. Une certaine monotonie s’installait, mais l’essentiel était assuré pour répondre aux exigences physiques du travail. Heureusement, une salle de musculation complétement équipée permettait d’évacuer un peu de stress après le travail et de se maintenir en forme autant mentalement que physiquement.
La sécurité, quant à elle, était omniprésente : armée et police brésilienne surveillaient l’entrée du site en permanence avec des rondes, rappelant que même dans ce coin reculé, certaines précautions sont indispensables.
Le contexte technologique
Sur le plan technologique, le contraste était saisissant : une mine toute neuve dotée d’installations modernes. Nous utilisions Ignition, couplé à Control Expert V15 pour la programmation des PLCs. Tout était à construire, mais dans un environnement bien pensé, ce qui offrait une marge de manœuvre appréciable.
Ici, le défi n’était pas de composer avec le passé, mais de tirer le meilleur d’un système neuf, encore en rodage.
Conclusion
Cette mission au Brésil restera gravée dans ma mémoire comme l’une des plus intenses de mon début de carrière. Elle a exigé une adaptation rapide, une endurance physique certaine, mais surtout une grande capacité à improviser et à collaborer dans un environnement multiculturel et multilingue.
Malgré les longues journées et les nombreux imprévus, ce fut une aventure enrichissante à tous les niveaux. J’ai renforcé mes compétences techniques sur le terrain, appris à gérer des équipes dans un contexte international, et découvert une facette du monde que peu ont la chance de voir d’aussi près.
Ce premier grand saut à l’international m’a confronté à un choc culturel fort, à des réalités différentes, mais aussi à une solidarité professionnelle exemplaire. Une chose est sûre : il ne faut pas sous-estimer toute la logistique, l’effort collectif nécessaire pour mener à bien des projets de grande envergure. Un vrai travail d’orfèvre… au cœur de la jungle.
Article rédigé par Simon Margat | Concepteur-programmeur
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